Page 2 - La Gatineau 5 septembre 2013
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2 5 septembre 2013 La Gatineau LAC MÉGANTIC
Ginette et Jacques Vachon racontent
LA GATINEAU - «Je commence juste à être capable d’en parler sans pleurer.» Ginette Vachon-Paquette et son mari Jacques Vachon sont encore traumatisés par la tragédie du 6 juillet 2013, à Lac Mégantic. Leur ville d’origine où ils sont retournés vivre le 8 juin dernier, après avoir passé 38 ans à Maniwaki. Samedi 7 septembre, ils seront à la soirée organisée au Domaine de l’Ile Patry, à Bouchette, au profit des sinistrés (lire p.12).
Le couple s’est rencontré à Lac Mégantic. Tous deux infirmiers et infirmières, ils sont venus en 1975 à Maniwaki, où ils ont fait leur carrière. «C’est le directeur des soins infirmiers, André Racine, qui nous avait recrutés», précise Ginette Vachon.
La retraite venue, ils ont décidé de se rapprocher de leurs proches en retournant à Lac Mégantic. «Notre fils Marc a été muté ici, il y vit avec ses quatre enfants, explique- t-elle. Il y a aussi nos deux mères, âgées de 82 et 83, et il y avait mes deux frères.»
Trois semaines après leur arrivée, le couple était encore dans les cartons. Cette journée là, Ginette Vachon ne l’oubliera jamais : «Nous avons été réveillés par un voisin à 1h30 du matin. Il nous a dit que le centre- ville était en feu. Nous vivons dans le haut de la ville. Nous sommes sortis, à 1 km nous entendions les explosions, c’était épouvantable, ça ressemblait à la fin du monde.»
Le couple s’est réfugié chez leur fils, pour ne pas être affectés par les émanations de produits dangereux. «Comme le vent n’était
▲ Les organisateurs de la soirée au profit des sinistrés de Lac Mégantic avec, de gauche à droite : Jean-Yves Patry, Omer Larivière, Françoise Lapratte, Denise Patry, une des artistes invitée Céline Arsenault, le curé Mario Thibault, Michel Patry. Absents : Nicolas Malette et Ginette Piché.
pas vers notre maison, nous y sommes retournés le lendemain, poursuit Ginette Vachon. Nous n’avons pas pu utiliser l’eau pendant deux-trois jours.»
Mais dans la nuit du drame, vers deux heures du matin, Ginette Vachon a reçu un appel de son neveu, qui cherchait désespérément son père, le frère de Ginette.
▲ Ginette et Jacques Vachon ont vécu 38 ans à Maniwaki. Ils sont retournés à Lac Mégantic, dont ils sont originaires, peu avant la tragédie.
«Il est mort dans le feu, on suppose qu’il dormait, raconte-t-elle. Nous avons aussi perdu beaucoup de connaissances, il était très difficile de retrouver les corps. Ma belle- mère a vendu sa maison dans le centre-ville il y a huit mois, elle a été détruite. Mon autre frère vivait aussi dans le centre, il pensait pouvoir y retourner mais il lui reste sept jours pour évacuer à cause de la contamination du sol. Au mieux il récupère sa maison dans un an et demi, au pire elle sera détruite.»
De l’incompréhension
Aujourd’hui, le quotidien est loin d’être revenu à la normale. Ginette Vachon décrit une ville coupée en deux : «Le feu s’est déclaré dans la rue qui traverse la ville, il faut donc faire un détour de 7 km pour aller de l’autre côté, où se trouvent notamment ma belle-mère et ma mère qui sont dans une résidence comme la Belle époque.»
Il faudra des mois voire des années pour que le centre-ville soit reconstruit. «Tout
était là, explique Ginette Vachon. Les magasins généraux, restaurants, banques, notaire, etc. Tout était concentré dans cette rue. Beaucoup de services ont été relocalisés dans des endroits temporaires et tout est dispersé. La Banque nationale est maintenant dans un petit local à l’étroit. Il ne reste que le Maxi. Nous avions deux églises, la plus petite sera détruite pour y installer le Métro.»
Face aux responsables, Ginette Vachon ressent «plus de l’incompréhension que de la colère. Quand on nous a dit qu’il n’y avait pas de chauffeur, on ne pouvait pas le croire. Mon frère avait deux enfants. Dans l’usine où travaille mon neveu, trois personnes de son âges sont mortes».
Même s’ils avouent que c’est difficile d’être revenus à Lac Mégantic, le couple ne voudrait pas être loin de sa famille en de tels moments. Surtout, ils ont été très touchés par le formidable élan de solidarité.
Sylvie Dejouy


































































































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