Page 8 - La Gatineau 14 novembre 2013
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8 14 novembre 2013 La Gatineau MALADIE D’ALZHEIMER
Mieux la comprendre et l’apprivoiser
LA GATINEAU - La maladie d’Alzheimer, la comprendre et s’outiller en tant que proches aidants. C’était le thème de la conférence organisée par Voix et solidarité des aidants naturels de la Vallée- de-la-Gatineau, dans le cadre de la Semaine nationale des proches aidants. Une initiative de Cécile Patry et Véronik Cadieux-Robillard. La conférence, organisée le matin à Maniwaki et l’après- midi à Gracefield, était animée par Mélanie Marcotte, conseillère auprès des familles pour la Société d’Alzheimer de l’Outaouais québécois (SAOQ ).
La maladie d’Alzheimer se traduit par une dégénérescence graduelle et irréversible des fonctions cognitives. «On ne perd pas la mémoire du jour au lendemain, explique Mélanie Marcotte. C’est une maladie évolutive sur plusieurs années. Pendant l’évolution, qui peut durer de 15 à 20 ans, la personne perdra tout ce qu’elle a appris dans l’ordre inverse d’apprentissage.»
Les causes de la maladie n’ont toujours pas été trouvées mais il existe des facteurs de risques : ce sont surtout les femmes qui sont touchées (72% des personnes diagnostiquées au Canada) car leur espérance de vie est un peu plus longue et la ménopause aurait un lien ; plus on vieillit plus on a de risque de développer la maladie ; quand la mère a eu la maladie il y a un risque mais pas à 100% ; il y a aussi le stress, traumatisme crânien, dépression
chronique,lesmaladiesducœur,desreins, AVC, diabète, obésité, hypertension, cholestérol à un niveau élevé ; le manque de stimulation sociale et mentale ainsi que d’exercices physiques réguliers ; les mauvaises habitudes alimentaires ; le tabac, la drogue et la consommation excessive d’alcool.
Le conseil de Mélanie Marcotte pour tenter de prévenir la maladie : «Faites marcher votre cerveau, il a besoin d’exercices. Il faut mettre votre cerveau au défi, par les mots croisés, la lecture et en faisant des choses non habituelles comme par exemple manger avec la main gauche au lieu de la droite. Il faut aussi maintenir une vie sociale active, adopter un mode de vie sain, protéger la tête par exemple en portant un casque de vélo.» Et, avis aux amateurs, le vin rouge serait bon pour diminuer les risques, en quantité modérée bien sûr.
Les proches aidants
Ce sont souvent eux-mêmes des personnes âgées, qui portent un lourd fardeau psychologique et physique. Ils développent souvent un sentiment de culpabilité avec l’impression de ne pas en faire assez.
Mais des organismes sont là pour les aider, réduire le stress, l’isolement social, la dépression, l’épuisement, les problèmes de santé. «Il y a beaucoup de deuils à vivre,
▲ De gauche à droite : Véronik Cadieux-Robillard et Cécile Patry, de Voix et solidarité des aidants naturels de la Vallée-de-la-Gatineau ; Mélanie Marcotte, de la Société d’Alzheimer de l’Outaouais québécois ; Jean-Yves Lord, directeur d’Appui Outaouais.
commente Mélanie Marcotte. Il faut aller chercher de l’aide, se renseigner sur la maladie et respecter ses limites. Le plus important c’est que vous faites de votre mieux.»
Les conseillères de la SAOQ peuvent se déplacer dans la région pour donner des conseils à domicile. Il y a aussi une accompagnatrice, formée par la SAOQ ,
qui offre du répit à 5$ de l’heure pour quatre heures.
Aujourd’hui, 747 000 Canadiens et Canadiennes sont atteints de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie connexe, 125 000 au Québec.
Renseignements au 819-777-4232.
Sylvie Dejouy
Témoignage sur l’Alzheimer
LA GATINEAU - À l’âge de 82 ans, la mère de Jeanne a déclaré la maladie d’Alzheimer. Afin de préserver son anonymat, nous lui avons donné un prénom d’emprunt. Elle a accepté de nous raconter la touchante histoire de sa maman, aujourd’hui âgée de 85 ans. Un processus douloureux de plusieurs années.
C’est en 2006 que les premiers symptômes sont apparus. «Je l’accompagnais aux courses, explique Jeanne. Ensuite j’allais avec elle à ses rendez-vous car elle oubliait des détails, était moins sûre d’elle. Veuve, elle vivait chez elle et pour s’occuper de sa maison elle était correcte.»
À l’été 2007, la maladie a commencé à se déclarer plus sérieusement. «Elle avait rendez-vous chez le médecin, explique Jeanne. La veille, je l’ai appelée, tout allait bien. Je l’ai de nouveau appelée le matin avant de partir. Sa voix était étrange, elle a dit qu’elle ne se sentait pas bien mais ne savait pas pourquoi. Quand je suis arrivée, elle était à table, avec deux jaquettes sur le dos, même si on était en juillet, et elle dormait.»
Progressivement, presque sournoisement, la maladie s’est installée et l’état de santé s’est dégradé, jusqu’à ce que le diagnostique tombe en 2010 à l’hôpital de Hull. «Elle n’était plus pareil, on le voyait par ses paroles, ses gestes, poursuit Jeanne. Elle avait une érablière mais ne pouvait plus bouillir son sirop toute seule. Avant elle tricotait, lisait. Son état s’est dégradé tranquillement. J’ai perdu ma mère entre 2009 et 2010.»
Ses enfants, venaient souvent la voir. La prise de conscience les a poussés à demander de l’aide à des professionnels qui viennent à domicile. Une autre étape difficile car la dame ne voulait pas d’étrangers chez elle. De son côté, Jeanne accourait dès que quelque chose n’allait pas. Elle était appelée tous les jours voire deux fois par jour.
En février 2013, il a fallu opter pour la résidence pour personnes âgées. Un déchirement impossible à éviter pour Jeanne : «Elle oubliait beaucoup plus, ne nourrissait plus le chien. On s’est aperçu qu’elle oubliait de manger, de se laver. C’était devenu trop dangereux. La travailleuse sociale lui a demandé un jour ce qu’elle ferait si elle entendait l’alarme pendant la nuit. Maman a répondu, quelle alarme ?»
Comme pour beaucoup de personnes, le placement en résidence a été difficile. «Je culpabilisais, raconte Jeanne. Mais on n’avait pas le choix, on l’a fait par amour pour elle.»
Depuis un an, son état a encore régressé avec de plus en plus de pertes de mémoire, aupointdecommenceràoublierlenomde certains de ses petits enfants. Quant à Jeanne, elle a dû faire plusieurs deuils : «Si elle n’avait pas été placée, je ne sais pas si j’aurais pu m’occuper d’elle. Quand je passais toute la journée chez elle, j’étais vidée. On passe par plein de sentiments : la colère, la peine. Mais ma mère est tout le temps dans mon esprit.»
Sylvie Dejouy


































































































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