Page 6 - La Gatineau 17 avril 2014
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6 17 avril 2014 La Gatineau
PRODUITS FORESTIERS RÉSOLU
«Notre vie dépend des fermetures»
MANIWAKI - Début mai, l’usine de Maniwaki Produits forestiers Résolu fermera ses portes pour une durée indéterminée, à cause d’un problème d’approvisionnement. Comment les ouvriers vivent-ils la situation, alors que la plupart ont déjà connu plusieurs fermetures ? Nous avons posé la question à quatre d’entre eux. Sylvie Dejouy
▼ David Sénéchal, 30 ans.
«Je travaille ici depuis sept ans et demi. C’est mon beau frère qui m’a fait rentrer. Le bon salaire et le métier m’intéressaient. Je suis emballeur, j’emballe les paquets de bois pour les protéger avant qu’ils soient expédiés. Depuis que je suis ici, il n’y a qu’en 2011 que j’ai travaillé toute l’année. Sinon ce sont des fermetures de 2-3, 5-6 mois.
J’aimerais de la stabilité, c’est difficile moralement. On sait jamais quand on va aller sur le chômage. En plus, quand on s’inscrit au chômage, il y a deux semaines sans salaire et ça prend au moins 5 semaines
avant de recevoir un chèque. Net, au chô- mage je perds près de 200$ par semaine, ça paraît dans un budget.
Avant on fermait car le prix du bois n’était pas bon. L’usine de Gatineau avait fermé. Quand elle a rouvert c’était bien reparti. Maintenant c’est l’approvisionnement qui pose problème. Il y a toujours quelque chose.
Je sais pas si je vais pouvoir prendre mes vacances, ça dépend de quand l’usine va rou- vrir. Toutes les conséquences, c’est nous qui les subissons. C’est difficile de faire des pro- jets. On est pas assez aidés par ceux qui
Même si l’usine fermait complètement, je trouverais un autre travail. Quand on est sur le chômage, on contribue pas à la Régie des rentes et au fonds de retraite. Quand on applique sur le chômage, ça prend presque un mois avant de toucher un chèque. J’avais pris mes vacances fin juillet début août, je devrai peut-être changer mes plans.
Moi ça m’inquiète pas trop, je suis le cou- rant. Mais je pense aux autres qui ont plus de difficultés. Quand l’usine de Gatineau a rou- vert, je pensais que ça irait bien au moins
attendre avant de toucher un chèque. Quand on dit pour une durée indéterminée ça fait peur. On espère que ça va redécoller mais c’est fatiguant.Lesdépenses,fautlescouper.Même les vacances, on sait pas si on va partir.
On en parle entre collègues, il y a de la rage car on fait tous des efforts pour une bonne production, pour qu’il n’y ait pas d’accident. Le coût de la vie augmente, ce sont toujours les mêmes qui s’enrichissent alors que nous on veut travailler.
Je veux rester ici, notre famille est là, on est
autre job ? Mais on a de bonnes conditions de travail alors c’est pas tentant d’aller ail- leurs. Je voudrais que ça fonctionne.
Depuis l’annonce de la fermeture on essaye de travailler de la même façon mais on sait que ça ferme bientôt donc c’est dur sur le moral. On coupe dans les activités de la famille. On a dû annuler le camp de jour car on ne peut pas se le permettre, il faut revoir le budget en conséquence. Les vacances sont décalées. Notre vie dépend des aléas du travail.
Entre collègues on en parle, on se pose plein de questions. C’est le sujet premier dont on parle : la fermeture et quand on va
900 emplois directs. La seconde vise à supporter la demande pour une plus grande f lexibilité dans le régime fores- tier et assurer l’approvisionnement à court et à long terme de la scierie de Maniwaki.
Les deux résolutions ont reçu un appui
regardent ça de loin.
La fermeture de mai on s’y attendait. Mais d’habitude on est prévenu deux jours avant alors que là on nous a avertis un mois et demi avant. J’ai déjà pensé à changer de domaine. Mais je veux continuer à travailler ici, il y a une bonne ambiance, de la solidarité entre employés, beaucoup d’efforts ont été faits en santé et sécurité.
Si Résolu devait fermer ça serait drama- tique pour la région. Il y a les salariés de l’usine mais aussi tous ceux qui en dépendent, les camionneurs, les mécaniciens, etc.»
jusqu’à ma retraite. J’ai été surpris de l’an- nonce de la fermeture, je ne m’y attendais pas. J’espère qu’un gouvernement libéral et une députée libérale ça va nous aider et qu’on va arrêter maximum deux mois.
On ne peut pas arrêter trop longtemps car il y a aussi les chauffeurs de camions, etc, qui dépendent de l’usine. Si je devais travailler ailleurs, j’aurais probablement pas le même salaire et je veux pas quitter la région. Mais je suis optimiste.»
unis alors on va pas commencer à s’éparpiller. Les meilleurs temps sont passés. Après toutes ces années d’efforts, j’espère aller jusqu’à la retraite.Aprèstout,audébutc’étaitunmoulin de cinq ans, on est rendus à 20 ans grâce au travail d’équipe, on existe encore grâce aux efforts.
Sans Résolu, Maniwaki deviendrait un vil- lage fantôme. L’usine fait vivre la place. On ne parle pas que de l’usine mais aussi de toute la chaîne qu’il y a derrière. Résolu fait vivre beaucoup de familles.»
recommencer. On demande à nos supérieurs mais c’est toujours la même réponse, ils ne savent pas. Sûrement que c’est vrai mais c’est dur.
La dernière fois moi j’ai été arrêté un an. J’ai dû trouver un travail temporaire car au bout d’un moment je n’ai plus eu droit au chômage. Des choses devraient changer, les employés devraient avoir droit de donner leur opinion aux hauts-placés. Je comprends qu’ils ont des règles à suivre mais il faut écouter les gens qui travaillent. Ça a des conséquences aussi sur les gens en forêt, les commerces de la région, etc. C’est triste de voir ce qui se passe.»
unanime. De son côté, en attendant la formation du nouveau gouvernement, la députée Stéphanie Vallée tente d’organi- ser une réunion avec les hauts fonction- naires du ministère des Ressources natu- relles pour préparer une éventuelle rencontre avec le prochain ministre.
▼ Bryson Bernatchez, 58 ans. «Je travaille ici depuis 21 ans. Je suis rentré en 1993. Je savais que l’ancienne scierie, derrière les galeries, ouvrait et qu’ils embauchaient. Depuis j’ai toujours travaillé ici. Je suis pré-
posé aux cases.
Les fermetures et temps partagé, ça a com- mencé en 2008. On ne les compte plus. Avant par exemple, il y avait au moins 15 à 16 pileurs. Quand ils ont bâti l’usine actuelle, il n’y avait plus de pileurs, moins de postes et plus de machines.
Il me reste quatre ans avant la retraite.
▼ Benoit Lafontaine, 39 ans. «Je suis chez Résolu depuis 20 ans. Je suis ren- tré quand la scierie a débuté, derrière les gale- ries. Ça s’appelait à l’époque Manexco. Je savais qu’ils cherchaient du monde.
▼ Simon Saumure, 39 ans.
Aujourd’hui je suis opérateur d’empileuse.
Fermeture, temps partagé, je ne compte plus leur nombre, je crois au mois six fois. T’as plus rien de certain, on est insécure. On a tous des paiements et on sait pas d’une semaine à l’autre ce qui va arriver.
Le système est mal fait. On perd notre emploi, on a deux semaines pas payées et faut
«Je travaille ici depuis 3 ans. L’usine cherchait des employés. Mon domaine est la menuise- rie mais il y avait plus au moins de travail alors j’ai donné mon nom. Je suis opérateur remplaçant au rabotage.
Depuis que je suis ici, cela fait quelques fermetures qu’on subit. C’est sûr que c’est pas agréable. Ça fait revoir le budget car j’ai une femme et quatre enfants, c’est pas évident.
Quand je suis entré à l’usine ça fonction- nait très bien. Pas longtemps après on a subi un arrêt puis c’est devenu assez fréquent. La durée indéterminée c’est dur car on est incer- tains, est-ce que je dois rester ici, trouver un
La Créo donne son appui
LA GATINEAU - La Commission des ressources naturelles de la Conférence régionale des élus de l’Outaouais (Créo) a adopté à l’unanimité deux résolutions pour démontrer l’inquiétude de la région face à la fermeture de l’usine de Produits forestiers Résolu à Maniwaki et à l’ave-
nir de l’industrie forestière.
C’est le préfet Michel Merleau qui a proposé ces résolutions. La première vient confirmer une vocation forestière pour l’Outaouais, la forêt étant l’épine dorsale de la région avec plus de 200 millions de retombées économiques et 2


































































































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