Page 2 - La Gatineau 24 avril 2014
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2 24 avril 2014 La Gatineau INONDATION DE 1974
Bientôt le quarantième anniversaire
LA GATINEAU - Alors que plusieurs régions ont été frappées dernièrement par des inondations, il y a quarante ans la Vallée-de-la- Gatineau s’apprêtait à vivre une catastrophe. Début mai 1974, d’importantes inondations touchaient la région. La fonte des neiges ayant été mal anticipée par Hydro Québec et le Baskatong étant devenu trop haut, il a fallu ouvrir le barrage, afin qu’il ne cède pas, et sacrifier Maniwaki ainsi que les municipalités alentour.
L’ensemble de la région qui borde la rivière Gatineau avait été touché. Marc Vaillancourt, qui habitait déjà à Déléage, avait été autorisé à monter à bord de l’hélicoptère de l’armée, afin de prendre des photos aériennes qui lui ont permis de faire un album pour la municipalité. Des clichés qui témoignent de l’envergure des dégâts (et dont une partie accompagne cet article).
«C’était effrayant, se souvient Marc Vaillancourt. Il n’y avait plus de lacs, seulement de l’eau avec des îles un peu partout. Le niveau a atteint jusqu’à 21 pieds de plus que la hauteur normale des eaux. Dans Christ-Roi, on ne voyait plus que la toiture de certaines maisons qui dépassaient de l’eau. C’était impossible de circuler en voiture, il fallait utiliser le bateau.»
Pendant environ deux semaines, la popula- tion a eu les pieds dans l’eau et on parlait de Maniwaki aux actualités. Les dégâts matériels étaient énormes, des maisons étaient inondées jusque dans le sous-sol. «Pour les maisons inon- dées, presque tout était à reprendre, se souvient Marc Vaillancourt. Les propriétaires ne pou- vaient garder que l’ossature. Beaucoup de gens ont perdu des meubles, des souvenirs.»
Même s’il n’y avait pas de réseaux sociaux, très vite l’entraide s’est mise en place. Si une minorité en a profité pour voler des biens en prétextant d’aider les victimes, la majorité des gens se donnaient un coup de main entre voisins.
Certaines personnes étaient obligées de loger chez de la parenté. Un comité d’urgence a été mis en place afin de coordonner l’aide et les secours. «L’armée était sur place pour fournir des véhi- cules amphibie pour déplacer les gens, du maté- riel et assurer la logistique, raconte Marc Vaillancourt. La coop du boulevard de Déléage avait été réinstallée dans l’église Assomption car elle avait récupéré beaucoup de denrées.»
Pris par surprise
En 1974, Rémi Beaulieu, originaire de Bouchette, travaillait pour le gouvernement du Québec à Gatineau. Il avait été mandaté pour évaluer les besoins urgents et les dommages dans la municipalité de Cameron (avant la fusion avec Bouchette). «J’avais pu rejoindre la municipalité en passant par la route 309 et ensuite par des chemins forestiers entre la Vallée de la rivière du Lièvre, Aumond et Sainte- Thérèse-de-la-Gatineau, explique-t-il. La pre- mière opération que j’ai faite a été d’organiser, avec le maire de la municipalité et mon père, une patrouille des principaux lacs dont le niveau des eaux avait monté rapidement. Sur le lac
Roddick (appelé lac Rond), j’ai vu des chalets qui s’étaient détachés de leurs fondations et qui flottaient librement sur le lac.»
Rémi Beaulieu se souvient qu’en «regardant dans les chalets qui flottaient sur les eaux du lac Roddick, nous pouvions voir que les mets du souper étaient encore dans les assiettes sur la table et les chaudrons avaient été laissés sur les cuisinières. Nous avions alors émis l’hypothèse que le niveau du lac avait monté tellement rapi- dement que les gens étaient sortis en catastrophe de leurs chalets avant qu’ils ne partent à la dérive. Les résidents semblaient avoir été pris par surprise».
Rémi Beaulieu avait notamment aidé une madame Lannigan, qui était isolée sur une pointe du lac et qui n’avait vu personne depuis quelques jours : «Si je me souviens bien, elle nous avait raconté que le lac s’était empli très rapidement par le refoulement de la rivière Gatineau dans un bout et à l’autre bout par l’écoulement des eaux provenant du lac des Trente un Milles. Je ne me souviens plus du niveau qu’elle nous avait dit que le lac avait atteint, mais je crois que c’était 25 pieds au-des- sus du niveau normal. Avec la chaloupe, nous passions au-dessus des chalets qui avaient été retenus par leurs fondations au fond de l’eau et cela sans que le pied du moteur n’accroche les toitures. Les bateaux et chaloupent dont les attaches avaient résisté à leur ancrage, flottaient en position debout par les flotteurs incorporés sous leurs sièges. Cette journée là, il faisait beau et l’eau était comme un miroir. Mais je me sou- viens qu’il y avait un silence étrange sur le lac. Même les oiseaux ne chantaient pas. C’était un spectacle hallucinant de voir des chalets sous l’eau, d’autres qui flottaient sur l’eau, et tous les bouts de bateaux qui dépassaient au-dessus de l’eau en plus de toutes sortes de débris, le tout dans un silence étrange.»
Heureusement, il n’y a pas eu de victimes. Mais cette catastrophe a obligé à régler une partie du problème par l’ajout d’un barrage entre les bassins de l’Outaouais et ceux de la rivière Gatineau.
Sylvie Dejouy


































































































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