Page 9 - La Gatineau 19 février 2015
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La Gatineau 19 février 2015 9 Jean-Michel réalise son rêve
HANDICAP AU TRAVAIL
SYLVIE DEJOUY
sdejouy@lagatineau.com
LA GATINEAU - Depuis son accident qui lui a fait perdre l’usage de ses jambes, Jean-Michel Belec, 28 ans, a franchi pas mal d’étapes. Originaire de Gracefield, sa vie a basculé à 20 ans à cause d’un accident de VTT, acheté seulement trois jours auparavant. «Je coursais avec un ami, se souvient-il. J’ai perdu le contrôle et je suis rentré dans un arbre.»
Cette année-là, Jean-Michel en a eu des coups durs : une commotion cérébrale suite à un accident de voiture, le décès de son grand-père qu’il considérait comme son père. Après l’accident de VTT, d’abord quadraplégique de la tête aux pieds, la rééducation lui a permis de récupérer au moins l’usage du haut de son corps. «Ça a pris trois ans pour que ça revienne à près de 100%, explique le jeune homme. Les sensations sont revenues dans mes jambes, je suis capable de les bouger un peu mais pas assez pour marcher. Ma moelle épinière a été sectionnée, mes bras ne seraient pas censés bouger. Je suis un cas à part car ma moelle épinière s’est comme régénérée.»
Tranquillement, il a donc réussi à remonter la pente. Il faut dire que Jean- Michel, c’est un caractère fort. «Après l’accident, je suis resté deux semaines à Sacré-Cœur, à Montréal, puis je suis allé dans un institut de réadaptation, explique- t-il. Je pensais qu’en un mois je serais sorti. J’ai rencontré un médecin qui m’a dit que j’en aurais pour trois à six mois. Elle m’a dit, si tu sors avant, moi j’écris un journal. Je lui ai dit tu peux commencer à l’écrire tout de suite. Et je suis sorti en un mois. Ensuite, j’ai attendu un an pour faire de la physiothérapie à La Ressource, à Gatineau, à cause d’un dossier perdu. Le CLSC venait m’aider à en faire en attendant. J’étais très mal.»
Pour continuer à avancer, Jean- Michel s’est aussi raccroché à sa passion : la mécanique. Une passion transmise par son grand- père : «Il m’a tout montré. Comment souder, peinturer des autos, etc. J’ai commencé à chauffer des tracteurs dès mon plus jeune âge. J’ai des photos de moi bébé dans le tracteur.»
▲ Jean-Michel est capable de tout faire, même de la soudure.
véhicules légers et récréatifs.
Le destin a mis Jean-Michel sur la route de Tommy. «Quelqu’un nous a présentés, explique ce dernier. Je me suis dit que si j’avais un accident comme lui, je serais encore capable de travailler donc pourquoi je ne lui donnerais pas sa chance. De plus, mon père a travaillé au CLSC comme concierge, ma grand- mère avait des pensionnaires
terrain, explique-t-elle. Il faut une bonne collaboration sinon ça ne marche pas. Je fais un suivi et quand il y a un problème je regarde comment changer la façon de travailler.»
Dans le cas de Tommy et Jean-Michel, il n’y a pas eu de problème. Ça a cliqué tout de suite. Ils sont trois désormais au garage. Afin d’intégrer Jean-Michel, il a fallu adapter son lieu de travail et s’assurer qu’il soit sécuritaire. Une montée a été aménagée à l’entrée pour qu’il puisse rentrer avec son fauteuil roulant. Il a fallu aussi aménager la salle de bain.
Tommy a mis de l’argent pour cela. Il a aussi obtenu une subvention d’Emploi Québec pour acheter de l’équipement, qui appartient à Jean-Michel et le suivra donc s’il change de lieu de travail. «Tenant compte des difficultés pour intégrer le marché du travail des personnes handicapées, Emploi Québec offre la mesure Contrat d’intégration au travail (CIT) qui favorise l’intégration en emploi en compensant financièrement les coûts de certains accommodements nécessaires à l’intégration et le maintien en emploi, explique Joane Labelle. L’employeur reçoit une aide financière qui correspond aux coûts supplémentaires et/ou au manque à gagner de l’employeur selon la productivité de l’employé.»
Une table qui monte et descend a ainsi été installée dans l’atelier afin de lui permettre de travailler à sa hauteur et sous
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les véhicules. Il y a aussi des poulies pour monter et descendre des treuils. «Jean- Michel peut tout faire, assure Tommy. On a adapté le tracteur pour qu’il puisse ouvrir la cour l’hiver. Il a fait des travaux d’excavation. Il a beaucoup de capacités. Il pourrait un jour ouvrir sa propre entreprise.»
Des progrès
Employé depuis septembre, Jean-Michel a réussi à faire oublier son fauteuil roulant pour devenir un employé à part entière. «C’est un bel exemple de quelqu’un qui a de la volonté et d’un employeur qui souhaite aider un jeune qui a beaucoup de potentiel, commente Joane Labelle. Il y a de belles réussites pour les personnes ayant des limitations dans la région.»
Ce n’est pas tous les employeurs qui acceptent de donner leur chance à des personnes handicapées. Jean-Michel a déjà essuyé un refus sans même qu’on lui ait laissé prouvé qu’il était capable de faire le travail. Pourtant le travail, c’est essentiel. «Ça valorise, ça donne le goût d’avancer, de se dire qu’on existe», confirme Joane Labelle.
Si des progrès restent à faire partout dans le pays, il y a heureusement des gens comme Joane pour faire changer les mentalités, d’autres comme Tommy prêts à donner une chance et des personnes comme Jean- Michel assez motivées pour faire leur place dans la société comme tout le monde.
Trois ans, c’est aussi le temps que ça a pris pour qu’il s’en remette psychologiquement et finisse par accepter de devoir se déplacer en chaise roulante. Si les progrès l’ont aidé, sa source de motivation est surtout venue de sa mère : «J’étais seul avec elle sur notre ferme. Elle travaillait presque 7 jours semaine. Je me sentais mal de ne pas l’aider et je me suis dit, faut que je vienne à bout de faire des efforts. J’ai adapté moi-même le tracteur.»
handicapés, donc j’en ai toujours côtoyés et j’ai toujours eu du respect pour eux.»
Tommy a contacté Joane Labelle, agente d’intégration en emploi au Centre Jean Bosco. Son travail consiste à aider les personnes qui ont une déficience intellectuelle et/ou physique à trouver un travail en région, selon leurs affinités. «Le but est d’avoir un bon jumelage entre la personne et celui qui supervise sur le
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Alors que l’accident est survenu
en novembre, Jean-Michel devait commencer en janvier son cours
de soudure à haute pression sous
l’eau. L’accident a bouleversé tous
ses plans. Mais, «après trois ans
de réadaptation, je me suis dit
faut que je fasse quelque chose de
ma vie. J’ai demandé si l’aide sociale pouvait m’aider. La première année ils n’ont pas
voulu, il fallait que je vende toutes
mes machines pour obtenir de
l’aide. Mais je ne voulais pas les
vendre alors que j’ai travaillé fort
pour les avoir. J’ai épuisé toutes
mes économies. J’avais pour 800
à 900$ de médicaments à payer par mois. Mais j’ai fini par arriver à
avoir de l’aide sociale.» Désormais, celle-ci paye tous ses frais médicaux, durant quatre ans, même s’il a un emploi.
Afin de trouver un travail, Jean-Michel a d’abord décidé de retourner à l’école pour finir son secondaire 5. Ensuite, alors qu’il suivait un cours à Laval pour devenir orthésiste, la grève étudiante s’est prolongée durant six mois. Il a fallu rattraper le retard en un mois mais avec des cours de 8h à 22h, Jean-Michel n’a pas pu suivre le rythme. Revenu dans la région, il s’est inscrit au cours de véhicules légers au Centre de formation professionnelle de la Vallée-de- la-Gatineau, dont il est sorti en janvier 2014.
Un bel exemple d’intégration
Pendant ce temps, Tommy Gosselin, 33 ans, originaire de Mont- Laurier mais installé dans la région depuis quelques années, a ouvert son garage en 2010 à Bouchette. Sa spécialité : les
▲ Jean-Michel Belec entouré de Tommy Gosselin, propriétaire du garage, et Joane Labelle, agente d’intégration en emploi au Centre Jean Bosco. Une table qui monte et descend a été installée dans l’atelier afin de permettre à Jean-Michel de travailler à sa hauteur et sous les véhicules.
Nouveau sondage sur notre site Internet. Nous vous demandons cette fois ce que vous pensez de l’intégration des per- sonnes ayant une déficience intellec- tuelle et/ou physique.
Vous avez le choix entre trois réponses : beaucoup de progrès ont été faits ; qua- siment rien n’a changé depuis plusieurs années ; malgré quelques avancées il en reste encore beaucoup à faire.


































































































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