Page 6 - La Gatineau 30 avril 2015
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6 30 avril 2015 LaGatineau Retrouvez plus de photos sur notre site internet : www.lagatineau.com VICTIMES D’ACTES CRIMINELS
Des partenaires qui font une différence
SYLVIE DEJOUY
sdejouy@lagatineau.com
MANIWAKI - Procureurs, policiers, intervenant(e)s, etc. Le CAVAC (Centre d’aide aux victimes d’actes criminels) de l’Outaouais et le CALACS (Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel) de la Vallée-de-la-Gatineau, ont voulu souligner le travail des partenaires qui contribuent à la création d’un avenir meilleur pour les victimes d’actes criminels. Un gala de reconnaissance était organisé mardi 21 avril à la Légion canadienne. La propriétaire, Annie Paquette, avait gracieusement prêté la salle gratuitement. Dans le cadre de la 10e Semaine de sensibilisation aux victimes d’actes criminels, ce gala visait à souligner l’excellent travail des organismes et personnes gravitant autour des victimes.
Le comité organisateur de l’évènement était composé de Cathy Marinier et Maude Bélaire du CALACS, Mélanie Guénette de Suicide détour, Sandra Carré- Beauchamp du CAVAC. «Nous avons pensé mettre nos efforts en commun afin de souligner la qualité du soutien de l’ensemble de nos partenaires dans l’atteinte de nos missions respectives auprès des victimes d’actes criminels, a expliqué cette dernière. La thématique «façonner l’avenir ensemble» illustre le fait que nous tous, de près ou de loin, sommes concernés par le soutien d’une personne victime pour lui
permettre de tourner la page et de façonner son propre avenir, sans que l’acte criminel devienne un élément de son identité.»
Quels organismes peuvent leur venir en aide, quelles seront les étapes du processus judiciaire, où trouver un logement, etc. Autant de questions que se posent les victimes d’actes criminels, qui ont besoin d’être épaulées par des personnes de confiance. Parce que chaque geste compte, les intervenant(e)s font une différence dans la vie des victimes.
Plusieurs prix ont donc été remis sous forme de livres, symboles de la volonté des victimes de tourner la page. Voici donc sans plus tarder les organismes et personnes qui ont été récompensés dans différentes catégories.
Disponibilité : Impact Rivière-Gatineau.
Écoute : Suicide Détour.
Respect : Centre de réadaptation en dépendance de l’Outaouais.
Valorisation et encouragement : Mani- Jeunes et Maison de la Famille.
Empathie : directeur des poursuites criminelles et pénales.
Épauler : Sûreté du Québec et service de police de Kitigan Zibi.
Accueil : Maison Amitié de la Haute-Gatineau.
Humanité : Josée Matthews, proche aidante. Dans cette catégorie, une femme que cette dernière a aidée a rendu un
▲ L’ensemble des personnes qui ont reçu un prix des mains des membres du personnel du CAVAC et du CALACS.
Témoignage d’une victime : de l’enfer à la lumière
SYLVIE DEJOUY
sdejouy@lagatineau.com
LA GATINEAU - Jocelyne Dupuis ne l’a vraiment pas eu facile dans la vie. Des parents alcooliques, le cercle infernal de la drogue, un contexte de violence. Aujourd’hui, âgée de 50 ans, elle a accepté de nous raconter son histoire, de l’enfer à la lumière.
Aussi loin qu’elle s’en souvienne, Jocelyne a toujours baigné dans la violence. «J’étais le mouton noir de la famille qui voulait se faire aimer, explique-t-elle. Nous étions 10 filles, un gars. Pour protéger les autres, je mettais le blâme sur moi. Mes parents nous battaient et se battaient entre eux tout le temps. Pour ne pas me faire battre, je faisais tout ce qu’on me disait de faire. Ma famille ne m’a pas éduquée. J’ai subi des abus aussi dans les familles d’accueil.»
Livrée à elle-même, Jocelyne a commencé très jeune à marchander son corps. Puis les déboires se sont succédés et les problèmes avec la justice aussi : vol, fraude. «Des choses que je regrette aujourd’hui, assure-t-elle. Je manipulais les personnes pour gagner mon pain, c’était plus facile pour moi que la prostitution.»
À seulement 20 ans, cinq hommes lui ont volé sa virginité, par un viol collectif à la suite duquel naitra sa fille. «J’étais en sang, raconte Jocelyne. Ils m’ont laissée dans la neige. C’est une chauffeur de taxi qui m’a ramassée.»
De quoi vous mettre la rage au ventre :
rongée par la colère et par son mal-être, Jocelyne a plongé très jeune dans la drogue pour essayer de tout oublier. «Je me détestais, je voulais mourir, je n’avais plus de lueur d’espoir, se souvient-elle. Je me suis lancée dans la drogue pour soulager ma misère. À 28 ans j’ai commencé la grosse drogue. Le trafic me permettait de la payer.»
À travers ses cures de désintox, ses rechutes, ses thérapies, Jocelyne poursuivait la quête de sa vie : se faire aimer. Ses parents ne lui ont jamais dit les deux mots essentiels, je t’aime. Il lui a fallu toucher le fond : la prison. «Ça a été très dure, raconte-t-elle. Je n’ai pas eu de visite, je n’avais personne à qui parler. Je me suis faite battre par une détenue. Mais ça m’a fait beaucoup réfléchir, ça m’a fait grandir, apprendre à me connaître. Il a fallu que je sois au pied du mur pour comprendre les erreurs que j’avais faites.»
À sa sortie de prison, Jocelyne a rechuté pendant deux ans. Jusqu’à la prise de conscience : la tristesse dans les yeux de son conjoint, après l’avoir battu pour voler jusqu’à son dernier cenne. Un souvenir douloureux qu’elle relate aujourd’hui pleine de larmes. «Je suis allée à Jellinek, j’étais toute croche, je voulais mourir. Puis je suis allée en thérapie à St-Jérôme. J’ai passé les deux premières semaines dans l’enfer, à brailler, m’arracher les cheveux, j’avais le goût de consommer. Je voulais qu’on me batte, je connaissais que les coups et les insultes. Du coup je m’enfermais dans la chambre et je me battais. Je n’étais pas habituée à ce qu’on me donne de l’amour, quand on me félicitait je pensais qu’il
▲ Jocelyne Dupuis, à gauche, en compagnie de Cathy Marinier, intervenante au Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel.
vibrant hommage pour lui exprimer toute sa reconnaissance.
Courtoisie : Carrefour jeunesse emploi.
Implication et engagement : Centres jeunesse Outaouais.
Présence : Commission scolaire des Hauts-Bois-de-l ’Outaouais.
Réconfort : Halte-Femmes Haute- Gatineau et Wasea House de Kitigan Zibi.
Professionnalisme : Centre de santé et de services sociaux de la Vallée-de-la-Gatineau.
Coup de main : Christine Saumure, directrice des poursuites criminelles et pénales.
Coup de pouce : les parrains et la marraine de la SQ , Sylvain Desjardins, Dominic Dufour et Audrey-Anne Lavallée.
Coup d’œil : Laure Voilquin du journal Le Choix et Sylvie Dejouy du journal La Gatineau.
Coup de cœur : le Comité-Femmes Vallée-de-la-Gatineau avec Danielle Beaudry, Maude Lafrenière, Maude Bélair, Diane Blais, Maude St-Jean, Marthe Piché, Véronik Cadieux-Robillard, Cécile Patry, Julie Breton, Lyne Alie, Mélanie Guénette et Françoise Major.
C’est avec un grand plaisir que le journal La Gatineau a reçu son prix. Par nos articles, nous espérons faire une petite différence dans la vie des victimes, en leur permettant de raconter leur histoire et en sensibilisant la société. Nous tenons aussi à féliciter le personnel du CAVAC et du CALACS ainsi que l’ensemble des partenaires pour leur formidable travail.
fallait que je donne quelque chose en échange. Mais je suis restée et c’est le plus beau cadeau que je me suis faite. Mon intervenante, Chantal, me donnait le goût d’espérer, de vivre, elle m’a relevée. Tranquillement pas vite, j’ai appris à m’aimer, à avoir de l’estime pour moi, me trouver belle.»
Aujourd’hui, Jocelyne en parle avec le sourire, de la fierté dans les yeux et beaucoup de lucidité sur son passé. Après avoir fini sa thérapie en septembre 2014, elle est venue cogner à la porte du CALACS pour entreprendre une thérapie concernant les abus sexuels dont elle a été victime et n’a jamais manqué un rendez- vous. Jocelyne fait aussi partie d’un groupe
de discussion à Jellinek. «Depuis un an je remercie le bon Dieu. Je ne pensais jamais m’en sortir. J’ai fini par trouver une lueur d’espoir. Aujourd’hui je me sens sortie d’affaire. Quand ça va pas, je demande de l’aide. Je ne veux pas tout ruiner, je veux couper la chaine pour ma fille et ma petite-fille.»
Si Jocelyne a pu s’en sortir, c’est grâce à sa volonté et un formidable réseau de professionnels, des femmes inspirantes, qui l’ont épaulée. «Ça prend toute une communauté pour aider ces femmes, commente Cathy Marinier, du CALACS. L’histoire de Jocelyne en est une belle preuve. Elle a une détermination que j’ai rarement vue.»


































































































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