Page 16 - La Gatineau 11 Août 2016
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16 11 août 2016 La Gatineau
«POURQUOI CHERCHER MIDI À QUATORZE HEURES» - CECIL CRITES
Une bleuetière pour revigorer l’économie de Kazabazua
JEAN LACAILLE
jlacaille@lagatineau.com
KAZABAZUA - La plantation de pin gris et rouge, tout près du village de
Kazabazua, ne rapporte absolument rien. Des arbres sont coupés et massacrent les bleuts qui poussent à profusion au sol.
Et quand il parle de bleuets, Cecil Crites sait de quoi il en retourne. Il en vend depuis des décennies. Mais il
commence à avoir son voyage de courir à Lovicourt en Abitibi-Témiscamingue pour acheter ses paniers de bleuets d’un «broker» abitibien, à 70 $ le panier, qu’il revend aux consommateurs 100 $ chacun. «Si on déduit nos frais de déplacements, notre marge de profits n’est pas très forte.»
Aller si loin quand le fruit pousse en abondance dans son propre patelin, c’est ridicule ! «Quoi qu’on en dise, cette fameuse plantation ne rapporte rien à personne ici. Il y a du bleuet partout à Kazabazua. Au lieu de nourrir les insectes, le ministère devrait permettre l’accès à la plantation pour la récolte du bleuet au moins trois mois par année, de juillet à octobre. Le cycle naturel suit son cours normal. Il y aura toujours des bleuets à Kaz. C’est notre matière première. Créer de l’emploi et développer n’a rien de compliqué. Qu’on nous donne l’opportunité d’implanter une bleuetière à Kaz et l’économie locale ne s’en portera que mieux.»
Le Marché Crites, dont son fils Paul est propriétaire, paie 4 $ la livre à des fournisseurs locaux pour s’approvisionner en bleuets pour en faire la vente. «Je les connais tous. Ce serait un jeu d’enfants de les regrouper pour mettre sur pied cette fameuse bleuetière qui ne nécessitera pas
▲ Cecil Crites dans la plantation de pin rouge et gris de Kazabazua. «Les bleuets ne sont pas récoltés. C’est aberrant !»
PLANTATION DE PIN ROUGE ET GRIS
▲ Des bleuets... en voulez-vous, en v’là !
un investissement énorme. Nous pourrions même éponger l’investissement nous-mêmes. Nous ne demandons rien d’autre que le droit de récolter le bleuet qui meurt au sol dans cette fameuse plantation. Y a rien de compliqué là-dedans.»
Créer de la richesse est simple comme «bonjour». «Il suffit de se parler et le plus tôt sera le mieux», conclut Cecil Crites.
Un site dé cient et pauvre selon Bolgharil
KAZABAZUA - Sur l’invitation de l’homme d’affaires, Cecil Crites, de Kazabazua, nous avons visité la plantation de pin gris et rouge de Kazabazua qui a été effectuée, en 1971, par la Compagnie Internationale de Papier (CIP) conjointement avec le ministère de l’Énergie et des Ressources du Québec. Ce que nous avons vu est désolant.
Pendant que les essences peinent à grandir, des milliers de dollars jonchent le sol sans qu’on ne puisse rien y faire. Il est question de bleuts ici. Notre recherche nous a mené à consulter le Portrait territorial de l’Outaouais (MER). La plantation est située à l’intérieur des limites de Kazabazua tout près de son périmètre d’urbanisation.
Les résultats de notre recherche tendent à donner des munitions à l’homme d’affaires
Cecil Crites qui voudrait bien qu’on permette la récolte de bleuets à l’intérieur même des limites de cette plantation.
Qu’en est-il vraiment ?
Pas moins de 750 000 semis de pin rouge et 50 000 de pins gris ont été mis en terre en 1971 avec l’aide d’une planteuse mécanique à des espacements de 2cmX3m ; les semis à racines nues étaient âgés de 4 ans. Le sol est formé d’un dépôt de sable (excellent pour la culture du bleuet) très perméable dépassant 3 mètres d’épaisseur. La section étudiée de la plantation est de forme rectangulaire et comprend 5 000 pins rouges. Ses côtés les plus longs sont bordés de plantation de pins gris ; à une extrémité, ce rectangle est limité par un peuplement forestier feuillu et à l’autre, par une route d’environ 5 m de largeur qui sépare cette section de pin rouge d’une
▲ La barrière de l’entrée a été fracassée.
autre de même essence.
En 1984, la hauteur moyenne des pins était de 4,1m, ce qui indique un site pauvre selon Bolghari * (1976). Une analyse des éléments nutritifs menée en 1984 a montré des déficiences aiguës en azote et modérées en phosphore (Moisan 1985 ). En 1982, la maladie n’était présente que dans la section étudiée et n’affectait pas les pins rouges et les pins gris adjacents.
*Bolghari : Le reboisement d’après Bolghari et Bertrand (1984)
La maladie du chancre scléroderrien
causée par la race EU a été qualifiée de maladie très virulente dont la progression est très rapide. Une étude a par ailleurs démontré qu’on pouvait arrêter le développement d’une épiphytie causée par la race EU et même la reléguer à l’état endémique. Il est aussi possible de penser à une éradication de la maladie sur un site donné et sur une période de quelques années puisque la maladie ne se propage pas sur des grandes distances et pas toujours aussi rapidement qu’on le croyait. D’autre part, si rien n’est fait pour enrayer la maladie, la survie de cette plantation est sérieusement compromise.
▲ Il semble bien que la plantation de pin rouge et gris de Kazabazua n’est pas en bonne santé.


































































































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