Page 12 - La Gatineau 2 février 2017
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12 2 février 2017 La Gatineau
ACCIDENT PROVOQUÉ PAR UN SUSPECT RÉCALCITRANT
L’accusé conteste l’intention de tuer
SYLVIE DEJOUY
sdejouy@lagatineau.com
LA GATINEAU - Le procès de Robert de L’Étoile, accusé de tentative de meurtre sur deux policiers en ayant provoqué un accident impliquant un véhicule de la Sûreté du Québec, s’est poursuivi lundi 30 janvier au palais de justice de Maniwaki.
Les faits se sont produits le 18 août 2015, vers 21h30, sur la route 117 à Grand-Remous. À bord du véhicule de police, il y avait deux agents et un suspect qui venait d’être arrêté : Robert de L’Étoile, 61 ans. Plus d’un an après les faits, le procès s’est ouvert en décembre. S’il reconnaît qu’il y a eu accident ayant provoqué des blessures, le suspect plaide cependant non coupable.
L’audience de lundi a commencé par une demande de la défense qu’un non lieu soit prononcé sur les deux chefs d’accusation de tentative de meurtre sur les agents Laplante et Bernier. L’avocat de Robert de L’Étoile a argumenté qu’il n’y a pas eu de face à face entre le véhicule de la SQ et le poids lourd qui venait en sens inverse, ce qui aurait probablement causé la mort de toutes les personnes à bord de la camionnette de police, mais que l’impact a été latéral. Il a ajouté que, selon lui, la poursuite n’a pas pu démontrer de manière précise et hors de tout doute raisonnable que son client a voulu causer la mort volontairement.
Le juge a cependant rejeté la motion de
non lieu, expliquant qu’à cette étape du procès il ne pouvait pas dire qu’il y avait une absence totale de preuves quant aux intentions de l’accusé et que c’est le contrebraquage de l’agent Bernier qui a fait en sorte qu’il n’y a pas eu de face à face.
Puis ce fut au tour de Robert de L’Étoile d’apporter sa version des faits. Aujourd’hui retraité, ce dernier a fait carrière comme ambulancier pendant trente ans. Après avoir fait de la prison en raison d’un évènement impliquant sa conjointe, quelques mois avant l’accident il vivait chez sa sœur et son beau-frère à Saint-Jean-sur-Richelieu. Il avait alors l’obligation d’y rester, ce qu’il a respecté d’octobre 2014 à août 2015.
Après une tentative de suicide, Robert de L’Étoile a été suivi pendant plusieurs mois par un psychologue et un médecin de famille. Il a expliqué que ça allait mieux, il avait même rencontré une nouvelle conjointe. Mais il a fini par se séparer de celle-ci et son avocat de l’époque lui réclamait une grosse somme d’argent. «J’étais découragé, a expliqué l’accusé. J’ai décidé d’aller vivre dans le bois.»
Robert de L’Étoile a donc pris la fuite le 16 août 2015, avec le camion de son beau-frère, brisant ses engagements. Il serait d’abord allé à Québec, où il serait resté deux jours, avant de passer par la Vallée-de-la-Gatineau.
Alors qu’il a fait un arrêt à Montcerf- Lytton, notamment pour mettre de
l’essence, Robert de L’Étoile a croisé une camionneuse qui se rendait à Rouyn- Noranda, où il voulait lui-même aller. Il a avoué l’avoir menacée avec une arme de poing, pour qu’elle l’y emmène, avant de s’excuser et de prendre la fuite, toujours avec le camion de son beau-frère, dans le parc de la Vérendrye. Son périple l’a amené jusque la pourvoirie Coucou. Mais alors que des policiers sont arrivés, il s’est enfui dans le bois, marchant pendant trois heures avant de se réfugier dans un chalet où les agents Bernier et Laplante ont fini par le retrouver.
Robert de L’Étoile a expliqué, en pleurs, que «l’agent Bernier m’a parlé. Il était correct avec moi. Si je me suis rendu c’est grâce à lui.» Les policiers lui ont attaché les jambes. Comme il se plaignait d’avoir mal à l’épaule les mains en arrière, ils ont accepté de le menotter les mains en avant, car il y en avait pour plus de deux heures de route. L’accusé a ajouté que pendant le trajet, pour l’emmener aux enquêteurs des crimes majeurs à Mont-Laurier, il a parlé avec les policiers. L’agent Bernier a d’abord tenté de le rassurer. Ensuite, ils ont discuté de tout et de rien, de la carrière de Robert de L’Étoile, de sa passion pour la chasse et la pêche.
Juste avant l’accident, la camionnette de la SQ a dépassé un véhicule. L’accusé a dit qu’il regardait ce dernier quand il y aurait eu un freinage et un coup de volant qui, selon lui, auraient fait en sorte qu’il aurait été projeté en avant, sa ceinture de sécurité n’étant pas attachée. Il serait alors tombé sur le volant, incapable de se relever, ce qui aurait fait dévier brûtalement le véhicule de police de sa trajectoire. «J’ai pas vu le poids lourd qui venait en face, je regardais l’auto qu’on venait de dépasser», a-t-il assuré au juge. Une version qui contredit celle de la poursuite et des policiers, pour qui il est indéniable que Robert de L’Étoile a sauté volontairement sur le volant.
Le véhicule de police a percuté un camion à bois de 60 pieds, vide, qui venait en sens inverse. La violence de l’impact a fait en sorte que Robert de L’Étoile a été éjecté. Alors qu’il était sur l’asphalte, l’agent Laplante a réussi à le rejoindre pour l’empêcher de prendre la fuite. De son côté, l’agent Bernier, qui a été très gravement blessé, avait une partie du corps coincée dans le véhicule.
À la fin de son témoignage, Robert de L’Étoile a expliqué, en pleurs, qu’il a fait
beaucoup d’interventions pendant sa carrière d’ambulancier et «ce qui me faisait le plus mal, c’était ceux qui voulaient se suicider et entrainaient des gens avec eux. Si j’avais voulu le faire, je l’aurais pas fait avec eux. J’ai beaucoup d’amis policiers alors je les aurais pas tués (les deux agents). C’est un accident. Je suis vraiment désolé pour l’agent Bernier».
Plaidoiries
Selon l’avocat de Robert de L’Étoile, la poursuite n’a pas réussi à prouver hors de tout doute raisonnable que son client avait l’intention de tuer. Il considère que le seul élément de preuve, après trois jours d’audition, c’est une lettre de suicide rédigée par l’accusé mais datant de novembre 2014. L’avocat a ajouté que l’enquête aurait dû être confiée à un autre corps de police : «Il y a eu un manquement à ce niveau-là.»
Autre manquement selon lui : l’intervention pour retrouver Robert de L’Étoile était à haut risque, puisqu’il était possiblement armé, et il aurait fallu attendre les équipes d’intervention. «Ils (les deux agents) n’avaient pas assez d’équipement. La preuve, ils ont mis mon client dans un véhicule non adapté, sans écran de sécurité. Les policiers ne l’ont pas attaché (avec la ceinture de sécurité).» L’avocat va même plus loin en assurant qu’il y a eu un manquement au code de déontologie des policiers qui dit que ces derniers ne doivent pas faire preuve de complaisance. «Ils ne l’ont pas surveillé de façon constante. La thèse de l’accident est très probable et la preuve de l’intention spécifique n’a pas été faite.»
Pour la poursuite en revanche, il ne fait aucun doute que Robert de L’Étoile a eu l’intention de se suicider et d’entraîner avec lui les deux policiers. «L’intention spécifique n’était pas de causer une collision latérale mais un face à face. La version de Robert de L’Étoile est contradictoire avec celle des témoins et de l’expert. Un témoin a expliqué que le véhicule de police circulait normalement avant l’accident.»
Selon la poursuite, la version de Robert de L’Étoile est invraisemblable, incompatible avec les témoignages, manque de détails et de précisions. «La seule explication possible suite à la preuve présentée par la poursuite est la tentative de suicide et d’avoir voulu attenter à la vie des policiers.»
Le juge rendra sa décision en avril.


































































































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