Page 6 - La Gatineau 26 février 2015
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6 26 février 2015 LaGatineau
DÉPART DE GILBERT WITHEDUCK
«Je veux continuer à m’impliquer»
SYLVIE DEJOUY
sdejouy@lagatineau.com
KITIGAN ZIBI ANISHINABEG - D’ici peu, le chef de Kitigan Zibi, Gilbert Witheduck, quittera ses fonctions. Après plusieurs années de dévouement pour sa communauté, il est contraint de tirer sa révérence pour prendre soin de lui. Même si certains jours la lassitude se fait pesante à force de répéter les mêmes choses sans que rien ne bouge, cet homme au grand cœur qui inspire la sagesse restera impliqué pour la défense des droits des Premières nations.
Une des raisons principales de son retrait est la nécessité de prendre soin de sa santé. «Il y a des choses qu’il faut que j’aille vérifier, explique-t-il. Je m’attendais à ce que peut-être je sois à l’écart un bout de temps. Mais comme il me reste à peu près un an de mandat, je me disais est-ce que je pars pour un bout de temps, je reviens, si c’est plus long il y aura toutes sortes d’impacts sur la communauté. Alors j’ai pris la décision de partir.»
Des élections vont donc être organisées afin de combler trois postes car il y a également deux conseillers du conseil de bande qui quittent leurs fonctions : Bill Ottawa qui a déjà quitté et Wayne Odjick qui quittera le 3 avril. Les membres de la communauté auront à élire des successeurs pour environ un an
car en avril 2016 des élections seront déclenchées pour tout le conseil.
La date des élections, qui
auront lieu en avril, n’est pas
encore connue. Aucun nom de
candidat n’a été avancé pour le
moment également. Le chef a
pour fonction d’être porte-
parole de sa communauté et du
conseil de bande. Quelque soit
la personne qui sera élue,
Gilbert Witheduck lui conseille «d’être à l’écoute de la population. Il faut que la population soit première à tous les jours».
Femmes disparues et éducation
Par la suite, Gilbert Witheduck souhaite apporter sa voix différemment, en particulier pour ce qui concerne la cause des femmes autochtones, alors que depuis 2008 deux jeunes femmes de la
communauté, Maisy et Shannon, sont toujours portées disparues. D’ailleurs, c’est cette année qu’il a été élu chef pour la première fois. «Ça m’a toujours resté, explique-t-il. Il y a plein de questionnements. Je comprends que je ne peux pas retourner en arrière mais elles sont toujours manquantes. Quand je prends le grand contexte au niveau du Canada, la GRC a indiqué qu’il y a environ 160 femmes qui sont toujours manquantes et peut-être 1 000 femmes qui ont été tuées. Et ça, c’est juste les gens qui sont connus.»
Même s’il reconnaît qu’une commission d’enquête nationale, que le Premier ministre Harper refuse toujours, n’apportera pas toutes les solutions, Gilbert Witheduck est convaincu qu’elle va «faire la lumière sur plein de choses que je crois que le gouvernement ne veut pas : la pauvreté, le racisme qui existe toujours et bien ancré dans les institutions. Et pour moi, une commission d’enquête c’est pour être à l’écoute des familles, elles ont vécu quoi, quand elles sont allées à la police qu’est-ce qui est arrivé, et à partir de là prendre des actions.»
Autre dossier qui lui tient à cœur, c’est l’éducation, alors qu’il a fait carrière dans ce domaine. «Le gouvernement fédéral, il y a presque un an, a suggéré de mettre en place une loi qui allait nous donner un
▲ Chef du conseil de bande de Kitigan Zibi depuis 2008, Gilbert Witheduck est impliqué pour la défense des droits de sa communauté depuis 42 ans. Loin de tourner le dos aux combats qui lui tiennent à cœur, même s’il n’est plus chef il restera très impliqué et continuera d’apporter son expertise.
«Trop souvent des fois, je suis fâché. Ça ne bouge pas.» - Gilbert Witheduck
droit de regard très élevé sur le système d’éducation qu’on veut améliorer. Il y a eu beaucoup de travail. Mais le gouvernement a retiré son projet de loi et ils ne sont pas prêts à s’assoir avec nous. Pour moi, une des pierres angulaires du développement de la communauté c’est l’éducation. Mais le gouvernement fédéral aimerait créer une commission scolaire au niveau du Québec
pour gérer toutes les communautés, ça n’a aucun bon sens.»
Loin de s’effacer donc, Gilbert Witheduck souhaite continuer à s’impliquer pour la défense des droits des Algonquins : «Il y des gens qui vivent des conditions affreuses, des situations difficiles, ils se sentent pris en tant que Première nation, nos droits ne sont pas reconnus.» La reconnaissance des territoires non cédés lui tient aussi particulièrement à cœur ainsi que le partage des revenus qui devrait en découler et le respect
de l’environnement.
Chef depuis 2008, après avoir aussi siégé au conseil de bande à plusieurs reprises à partir de 1976, aujourd’hui il regrette amèrement que bien souvent les mots ne se transforment pas en actions concrètes. «Trop souvent des fois, je suis fâché, avoue-t-il. Ça ne bouge pas. Il y a une grande frustration de ma part. Je suis impliqué depuis 42 ans, oui il y a eu des développements, mais pour les grands enjeux on ne fait que des petits pas et c’est
des grands sauts que ça prend. Je me suis toujours posé la question, qu’est-ce que ça va prendre pour que vraiment on s’assoie et on trouve la façon de développer quelque chose d’unique. J’ai toujours cru qu’on pouvait développer quelque chose d’unique au Québec et qu’on a l’intelligence des deux côtés pour trouver les solutions. On pourrait devenir un modèle dans le Canada et dans le monde. Mais ça prend une volonté politique.»
Malgré toutes ces difficultés, Gilbert Witheduck cultive un certain optimisme qu’il puise chez les jeunes : «J’ai eu la possibilité d’écouter des jeunes personnes qui sont venues me voir. Je suis rempli d’espoir avec les jeunes en général, pas seulement ceux des Premières nations. Il y a beaucoup plus d’ouverture, ils sont moins pris dans les vieilles pensées et ça m’apporte de l’espoir.»
Ces derniers temps, Gilbert Witheduck a par ailleurs constaté une plus grande ouverture de la part de Stéphanie Vallée, du préfet Michel Merleau et d’élus municipaux. Il appelle la MRC et les municipalités «à continuer à avoir une ouverture envers les Premières nations».


































































































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