Page 10 - La Gatineau 10 septembre 2015
P. 10

10 10 septembre 2015 LaGatineau FOYER PÈRE-GUINARD
Que se passerait-il en cas d’incendie?
SYLVIE DEJOUY
sdejouy@lagatineau.com
MANIWAKI - Il y a quatre ans, le chef du service incendie de Maniwaki, Patrick Lemieux, faisait part de ses craintes en cas d’incendie au Père-Guinard, dans une lettre datée du 27 juillet 2011 et adressée au Centre de santé et de services sociaux de la Vallée-de-la-Gatineau. Il s’agissait de la «conclusion des rapports d’inspection du service d’incendie de la Ville de Maniwaki». Un document qui nous a été remis dernièrement par une source, qui a souhaité rester anonyme.
Cette lettre faisait suite à deux inspections effectuées le 15 mai 2011 et le 17 juillet de la même année. Patrick Lemieux donne le ton dès les premières lignes : «Je me vois dans l’obligation de vous informer par écrit du danger de pertes de vies humaines lors d’incendie majeur, étant donné le type de résidents à cet endroit.»
Il énumère ensuite les raisons qui «m’amènent à vouloir intervenir pour la sécurité en cas d’incendie : ce bâtiment a été construit en 1970 pour des personnes âgées autonomes, donc le tout était parfait pour ce type de résidents ; aujourd’hui, 80% des résidents sont non mobiles et doivent recevoir de l’assistance pour se déplacer, tandis que 20% sont des personnes avec une déficience cognitive, ce qui en résumé veut dire que 100% des personnes ont besoin d’assistance pour sortir du bâtiment ; quant au personnel qui pourrait les aider à évacuer, il est à noter que la nuit il n’y a qu’une seule personne par étage, c’est-à-dire quatre personnes pour tout le bâtiment, le jour il y a 20 personnes pour les 3 étages, ce qui est nettement insuffisant.»
Patrick Lemieux ajoute dans sa lettre que, «concernant la possibilité d’évacuation, le bâtiment n’a pas été conçu pour évacuer dans ces conditions, le problème est crucial : l’escalier est de 44 pouces de largeur, on ne peut donc pas se rencontrer dans l’escalier, ce qui nous amène à ne sortir qu’un seul résident à la fois ; si on parle de portes, elles sont trop étroites pour une civière, on doit amener actuellement le patient par l’ascenseur (ce qui est interdit lors d’incendie) ; les corridors sont étroits et très souvent encombrés ; quant aux balcons extérieurs du premier et second étage, ils sont impénétrables à cause d’un grillage qui encercle le balcon, donc inutilisables.»
Le chef du service incendie conclut qu’un «incendie majeur dans cet édifice occasionnera des pertes de vie en grand
nombre étant donné la difficulté d’évacuation, portes trop petites, corridors étroits, escaliers étroits. Combien de vies pourrons-nous sauver dans des conditions?»
À la lecture de cette lettre, difficile de ne pas penser à la tragédie de l’Îsle-Verte qui a coûté la vie à 32 personnes âgées en janvier 2014. Rencontré à ce sujet, Patrick Lemieux explique avoir envoyé cette lettre, qui était à l’époque restée sans réponse, car il ne constatait pas d’évolution malgré ses mises en garde. «Je voulais qu’ils soient au courant pour être dégagé de responsabilités en cas de problème, explique-t-il. Cette résidence n’est plus conforme. Elle a été construite pour des gens ne pouvant pas subvenir à leurs besoins, aujourd’hui ce sont des personnes à mobilité restreinte.»
La dernière inspection du service incendie de Maniwaki date de l’an passé et Patrick Lemieux assure que le constat était le même, avec toujours des irrégularités comme par exemple des obstacles dans les corridors, même si le chef du service incendie est convaincu que les employés font de leur mieux. Des exercices de simulation d’incendie ont par ailleurs été effectués à plusieurs reprises, auxquels les pompiers avaient participé, et Patrick Lemieux admet que «ça s’était bien passé».
Malgré tout, il est toujours habité par la même inquiétude : «Quand j’entends une alarme qui concerne ce secteur, mon stress monte. Je m’inquiète surtout pour l’évacuation car beaucoup de gens sont à mobilité réduite. Certaines souffrent de la maladie d’Alzheimer et doivent être accompagnées pour évacuer.»
Ces inquiétudes viennent rappeler encore une fois la nécessité de construire un nouveau foyer. Une pétition avait d’ailleurs été lancée par Josée Rochon, dont la mère réside au Père-Guinard, aidée de Sylvie Geoffrion, et elle a recueilli des milliers de signatures. L’ancien conseil d’administration du Centre de santé et de services sociaux de la Vallée-de-la- Gatineau et l’ancienne directrice Sylvie Martin ont travaillé pendant plusieurs années sur ce dossier qui, malgré les promesses électorales, n’a pas avancé.
Selon Patrick Lemieux, le bâtiment ne peut pas être rénové : «Il faudrait une nouvelle structure conforme. S’il arrive quelque chose de majeur là, c’est sûr qu’il y aura des morts. On va juste espérer que ça n’arrive pas et qu’ils se décident à construire une nouvelle bâtisse.»
Interrogé sur ce sujet, le maire de Maniwaki Robert Coulombe assure ne jamais avoir eu vent de cette lettre. Malgré tout, il répond que, si les affirmations de la lettre sont avérées, il ne peut que les supporter : «On ne peut pas aller contre les
recommandations d’un service. Je ne veux pas ameuter les gens, mais dans les conditions actuelles un centre adapté à aujourd’hui serait préférable car les normes ne sont pas les mêmes. Ça fait plusieurs années que reconstruire est une priorité, la constatation du service incendie en fait foi.»
Réponse du CISSSO
Contacté à ce sujet, le Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Outaouais nous a détaillé les mesures en place pour assurer la sécurité des résidents en cas d’incendie. En ce qui concerne le ratio du personnel de jour comme de nuit, «c’est un ratio pour assurer les soins, explique Geneviève Côté, agente d’information. Il n’y a pas de norme proprement dite. Par contre ce ratio correspond à ce qui se fait ailleurs dans la province».
Concernant les escaliers, il y en a bien deux de 44 pouces et un troisième, situé dans l’aile sud, qui a été élargi pour répondre aux normes et qui mesure 6 pieds de large.
En cas d’évacuation, le Père-Guinard dispose de six «Evacutrack», qui servent à évacuer une personne non mobile par les escaliers : un par étage et par cage d’escalier. Le personnel a suivi des formations pour l’utiliser ainsi que pour pratiquer la méthode du «drap contour» afin de sortir les gens.
En 2012, un exercice d’évacuation incendie avait par ailleurs été fait, en présence d’observateurs dont des pompiers : une quarantaine des 70 résidents avaient été évacués et une quinzaine de clients du
Centre de jour, en quinze minutes. Un autre pourrait être organisé prochainement. «Le but est surtout d’évacuer si nécessaire mais aussi d’amener les résidents d’une aile vers une autre parce qu’il y a des murs de séparation coupe-feu», explique Geneviève Côté. Le Plan de mesures d’urgence de l’établissement prévoit une évacuation par secteur.
Cette dernière ajoute que la caserne incendie est située non loin du foyer, qui est par ailleurs giclé à 100%, en plus de disposer de détecteurs de fumée et de chaleur ainsi que d’un panneau d’alarme central qui permet de détecter d’où vient l’alarme incendie et qui est relié à une central d’alarme. Geneviève Côté ajoute que «les pompiers de la région ont visité le foyer pour qu’ils puissent voir les lieux, l’équipement, connaître les sorties. Ils se sont familiarisés avec l’endroit. Ils ont aussi des échelles assez grandes pour atteindre les chambres».
Au sujet de l’encombrement dans les corridors, Geneviève Côté assure que «c’est réglé. Il n’y a pas de civière, de boîte, de poubelle, dans les corridors. Ce qu’il peut y avoir à l’occasion ce sont des petites stations lorsqu’un patient est mis en isolation, à l’entrée de la chambre de la personne, pour la prévention des infections».
Enfin, le grillage autour des balcons est nécessaire afin de prévenir d’éventuelles chutes.
À noter que nous n’avons pas pu discuter de ce dossier avec la députée et ministre Stéphanie Vallée avant notre heure de bouclage.


































































































   8   9   10   11   12