Page 9 - La Gatineau 10 septembre 2015
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FEMMES AUTOCHTONES DISPARUES ET ASSASSINÉES Entre théorie et révolution
La Gatineau 10 septembre 2015 9
SYLVIE FILION
sfilion@lagatineau.com
KITIGAN ZIBI ANISHINABEG - La disparition en 2008 à Maniwaki de deux jeunes femmes autochtones, Shannon Mary Mathewsie-Alexander, 17 ans, et Maisy Odjick, 16 ans, vient illustrer le portrait d’une problématique qui, présentement, est une plaie vive pour les communautés des Premières Nations au Canada.
Le 6 septembre dernier avait lieu à Kitigan Zibi une marche pour rappeler la disparition des deux jeunes femmes (lire ci-contre), mais aussi pour toutes les femmes autochtones disparues et assassinées au Canada. Cette marche se voulait un geste de solidarité, de sensibilisation et d’éveil pour les gens de la région, mais aussi pour tous les Canadiens qui ont perdu un être cher et qui croient que le genre ou l’ethnie importent peu dans la balance sociologique des drames humains.
En mai 2013, des ministres provinciaux et territoriaux des Affaires autochtones se joignaient aux groupes autochtones nationaux pour demander qu’une enquête publique pancanadienne soit tenue sur la violence envers les femmes autochtones. On attend toujours! Depuis plus de 30 ans, les collectivités des Premières Nations essaient de susciter l’intérêt des gouvernements pour que leurs voix soient entendues. Le mouvement «Missing justice» a émergé entre temps. Maintes vigiles et manifestations ont pourtant animé les rues. «On sent que notre voix est complètement ignorée. Le gouvernement refuse d’assumer ses responsabilités», dénonce Viviane Michel, la présidente de Femmes Autochtones du Québec.
En février dernier, une Table ronde nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées avait lieu à Ottawa. «Pour l’occasion, nous avions Mme Laurie Odjick, mère de Maisy Odjick, qui s’est présentée pour parler de la disparition de sa fille (...) Mais avec seulement 4 minutes pour intervenir, comment réussir à décrire une problématique aussi grave que celle-là», d’ajouter Viviane Michel, affirmant de ce fait que le système canadien a «pondu» une justice pour les citoyens, «mais nous ne sommes pas considérés comme des citoyens», dira-t-elle.
En prévision de la prochaine table ronde qui aura lieu en septembre, Femmes Autochtones du Québec soumettra un rapport de recherches dans lequel on indique les «vrais chiffres», soit le nombre de femmes autochtones disparues et assassinées au Québec qui dépasse «largement» les chiffres émis par la GRC.
Les recommandations qui s’imposent pour la prochaine table ronde sont entre autres d’avoir au minimum un rassemblement par année pour les familles des femmes disparues et assassinées et la création d’un réseau, nommément une page Facebook, qui favorisera le partage
des connaissances. De même, il y aurait aussi un travail plus approfondi d’une conjoncture des efforts entre les communautés autochtones et les services judiciaires.
En entrevue, le chef de Kitigan Zibi, Jean Guy Whiteduck, énonce clairement les termes qui servent à décrire les cycles de l’abus en général, cycles qu’il faut briser non seulement dans les communautés autochtones mais aussi dans la société en général. Il parle ouvertement de cette problématique féminine qui vient mettre l’accent sur les communautés autochtones. Mais, selon lui, ce problème de violence s’étend sur toute la société canadienne.
Le chef Whiteduck admet que, dans le cas de la disparition des deux jeunes filles de Maniwaki, le travail des policiers est discutable dans ce sens où les signalements, dès les premières 72 heures suivant la disparition, ont été critiques. Selon lui, si l’affaire a été traitée au départ comme une fugue, «c’est là où il y a une erreur».
Le chef Whiteduck admet que les problèmes socioéconomiques actuels, le fait de vivre dans une communauté isolée, la pauvreté, le chômage alliés aux problèmes de toxicomanie, se traduisent en un «cocktail» idéal pour que surgissent les abus de tous genres en incluant les crimes violents.
Enfin, Jean Guy Whiteduck vient redire l’importance de la femme qui est une affirmation fondamentale chez les communautés autochtones. Selon lui, tout cela vient montrer une fois de plus à quel point la Loi sur les Indiens, la création des réserves, la restructuration de l’organisation culturelle et sociale ainsi que le joug du colonialisme ont laissé des séquelles importantes dans les traditions et les coutumes qui sont indispensables à la survie et à la vitalité des Premières Nations.
Les engagements des partis politiques
En pleine campagne électorale, les candidats se prononcent chacun sur des questions qu’on évite de justesse. Pour Colin Griffiths, candidat vert, il est important que se perpétue l’enseignement des langues autochtones «qui doivent être introduites afin d’améliorer les conditions dans les communautés autochtones», dira ce dernier, abondant dans le même sens de ce que Jean Guy Whiteduck prône : la transmission de la culture par la langue.
Du côté du parti Forces et Démocratie, Pascal Médieu va un peu plus loin en mettant de l’avant l’importance de l’implantation des programmes de sensibilisation pour changer les comportements dévalorisants à l’égard des femmes et des filles autochtones : «Je suis 100% en faveur des moyens avancés par la Table ronde sur les femmes et filles autochtones disparues ou assassinées qui avait lieu le 28 février 2015, soit de coordonner les efforts des intervenants du milieu et des différents paliers de gouvernement en vue de prendre des mesures concrètes et immédiates dans les domaines de la prévention et de la sensibilisation, au niveau de la sécurité des
collectivités et au niveau des mesures policières ainsi que des réponses de la justice.»
Pour sa part, Will Amos rappelle que les Libéraux se sont engagés à mettre sur pied une enquête publique nationale «pour faire la lumière sur les cas de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées». Selon lui, ce processus, entièrement inclusif, serait conçu pour rendre justice aux victimes et soulager leurs familles. Will Amos met en priorité la disparition des femmes autochtones de la région, vu son implication comme avocat avec le Conseil Tribal de la Nation Algonquine Anishinabe.
Le député NPD sortant, Mathieu Ravignat, blâme le gouvernement Harper qui, selon lui, n’a rien fait pour aborder ce chapitre «impopulaire» dans l’histoire canadienne autochtone. C’est sous forme de promesse qu’il répond : celle de Tom Mulcair qui jure de lancer une commission d’enquête dans les 100 jours suivant la prise de pouvoir des néo-démocrates. Ces derniers s’engagent aussi à soutenir les
femmes et leurs enfants qui fuient la violence par le rétablissement du Programme d’amélioration des maisons d’hébergement, avec un financement de 40 $ millions sur quatre ans. Mais aussi, il est question de collaborer avec divers groupes afin d’établir un plan d’actions pancanadien complet pour mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles, puis d’investir davantage dans les programmes de logement et d’itinérance pour créer et maintenir des logements abordables.
Le candidat conservateur Benjamin Woodman se défend en affirmant que, depuis l’arrivée au pouvoir des conservateurs, la sévérité des peines pour les meurtres plus graves a été haussée, des fonds pour des programmes de prévention contre la violence familiale ont été investis et qu’une loi «historique» a été votée, donnant aux femmes autochtones vivant dans des réserves des Premières Nations les mêmes droits matrimoniaux que tous les Canadiens, «notamment un accès à des ordonnances de protection d’urgence en cas de violence».
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